AEF du 26 juin 2020 : DÉPÊCHE N°629537

La région Nouvelle-Aquitaine a demandé aux organismes de formation ayant un marché avec elle de reprendre à partir du 2 juin 2020 leur activité en présentiel, même partiellement sous une modalité dite “mixte”, avec un retour progressif à l’exécution normale du marché. Mais sur le terrain, la consigne s’avère difficile à tenir, notamment pour les prestataires intervenant auprès des publics en difficulté, témoigne l’Urof Aquitaine. Stagiaires difficiles à remobiliser, problèmes d’espace pour tenir la distanciation, dépenses en hausse… le surcoût par heure/stagiaire varierait de 1,24  à 1,78 €.

La région Nouvelle-Aquitaine demande à ses prestataires de favoriser le retour des stagiaires en centre et ne financera plus les sessions maintenues 100 % à distance.

Depuis le début du mois, la région Nouvelle-Aquitaine encourage les organismes de formation à mettre en œuvre des apprentissages mixtes mêlant présentiel et distanciel jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Tout en distinguant plusieurs cas (voir encadré) selon que la certification est proche ou pas et que le risque de décrochage est accru.

QUATRE CAS DE FIGURE

Aux yeux de la collectivité, les sessions maintenues en FOAD pendant le confinement et “certifiables” à court terme, si possible avant fin juin, sont prioritaires pour une reprise en présentiel. De même que celles maintenues à distance ces derniers mois et où de potentiels décrocheurs ont été repérés, afin qu’ils puissent bénéficier de contenus pratiques. Pour les sessions suspendues pendant le confinement
, la région attend une relance de la formation avec une actualisation du positionnement et du contenu lorsque cela est nécessaire
. Avec une alternance présentielle, formation à distance, et si possible séquence en entreprise. Pour les sessions reportées ou nouvelles
, la même alternance est souhaitée ainsi qu’un positionnement des stagiaires en présentiel
.

Pour faciliter cette reprise, le conseil régional autorise certaines libertés avec les conditions prévues dans les marchés passés avec ces prestataires. Ainsi, au sein d’un même groupe des stagiaires pourront être accueillis avec des modalités pédagogiques différentes (présentiel, distanciel ou mixte). Il sera possible d’allonger les parcours des stagiaires – mais “dans la limite des heures restantes au bon de commande et conformément au bordereau de prix initiale” précise l’institution dans sa foire aux questions.

-> PARCOURS : LA RÉGION AUTORISE DES MODULATIONS DE DURÉE

Jugeant que “pour un stagiaire, les durées en centre, en entreprise et la durée totale de parcours ne sont qu’indicatives”, la région permet aussi aux organismes de moduler les heures prévues. Par exemple, si pour un stagiaire, il était prévu un parcours maximum de 1 000 heures comprenant 600 heures en centre et 400 heures en entreprise, il peut passer à 1 200 heures avec 900 heures en centre et 300 heures en entreprise. Mais la variation de ces paramètres se fera dans “la limite des heures restantes au bon de commande et conformément au bordereau de prix initial”. Donc sans dépassement de coût.

FIN DU “TARIF SPÉCIAL COVID”

Depuis le 2 juin, les organismes de formation aquitains ne peuvent plus solliciter de paiement au forfait. Ce “tarif spécial Covid-19” avait été proposé par la collectivité aux prestataires retenus pour un de ses marchés, ayant poursuivi à distance leurs sessions depuis le 16 mars 2020 (lire sur AEF info). Il était assis sur la base d’un “forfait de 21 heures par semaine avec assouplissement des règles de service fait”, c’est-à-dire payées même si tous les stagiaires prévus avant confinement ne pouvaient les suivre. Ce qui revenait à garantir 60 % du coût ordinaire d’une formation.

Malgré la certaine souplesse octroyée par le commanditaire régional, les centres de formation, notamment ceux qui interviennent auprès de publics fragiles, éprouvent des difficultés, confie Muriel Pécassou, la présidente de l’Urof Aquitaine et représentante régionale du Synofdes.

-> DES STAGIAIRES PAS TOUS PRESSÉS DE REVENIR

Leur premier souci consiste à remobiliser les stagiaires. “Malgré nos efforts, nous n’avons pas pu garder le contact avec tous pendant le confinement. Pour les accompagnements réalisés pour le compte des Plie ou de Pôle emploi, on a réussi à poursuivre à distance. Pour le public des sessions dédiées aux compétences clés et à l’orientation professionnelle, c’était plus difficile”, reconnaît Muriel Pécassou, DG de l’Insup formation et présidente de l’Urof Aquitaine.

Et quand l’organisme parvient à les joindre, tous ne veulent pas reprendre une session de formation et les effectifs sont à la baisse. Muriel Pécassou cite l’exemple de deux modules “compétences clés” organisés par l’Insup sur deux sites différents. Au 13 mars, le premier groupe comptait 8 stagiaires ; “quatre veulent redémarrer – deux de façon sûre, deux autres peut-être”. Même situation dans le second groupe (12 stagiaires) : oui franc à la reprise de la formation pour six participants, oui hésitant pour deux autres.

-> UN DÉDOUBLEMENT DES GROUPES QUI COÛTE

A minima pour une reprise en présentiel, il a fallu que les organismes dédoublent les groupes de façon à respecter les règles de distanciation physique, ce qui a pu engendrer des tensions sur les locaux. Mais aussi que les OF trouvent des lieux en complément où les stagiaires, non pourvus d’ordinateur, puissent se connecter à distance pour une partie des sessions (voir encadré). Parfois ce sont de nouveaux lieux pour la certification que les organismes de formation ont dû dénicher. “Nous avions un plateau technique dans un hôpital pour la formation de nos agents de propreté. Il se révèle inaccessible pour l’examen final”, cite à titre d’exemple la DG de l’Insup formation.

ACCUEILLIR LES STAGIAIRES DANS DES TIERS-LIEUX ?

Des centres de formation avaient l’habitude de délocaliser certaines de leurs actions dans des bâtiments communaux, notamment en milieu rural. Mais ces locaux n’ont pas tous rouvert. Avec la région, une réflexion s’est donc engagée pour voir comment mobiliser les tiers-lieux et espaces de coworking pour accueillir des stagiaires, tout en organisant pour eux sur place une médiation. Un accueil qui pourrait se pérenniser au-delà de l’état d’urgence sanitaire, si un accord est trouvé.

 

-> LES SURCOÛTS DE CETTE REPRISE SELON L’UROF

Si l’on ajoute à cela, d’autres dépenses comme les prestations supplémentaires de nettoyage des locaux ou l’achat d’équipements (plexiglass, gel hydroalcoolique, masques pour les formateurs…), le surcoût total par heure/stagiaire va de 1,24 € à 1,78 €, estime Muriel Pécassou. Qui ne comptabilise pas les heures passées par ses formateurs pour remotiver les stagiaires et faire respecter les gestes barrière avec des jeunes en grande difficulté dans les QPV. Un autre “coût caché” soupire la présidente de l’Urof.  “La continuité pédagogique n’existera que s’il y a une continuité économique”, prévient-elle.

Quelques points positifs apparaissent néanmoins dans le tableau de cette reprise : la région Nouvelle-Aquitaine a aidé les organismes à accéder à un achat groupé pour se doter en masques et visières. Elle a aussi financé l’achat de 1,5 million de masques pour les stagiaires, les lycéens et les apprentis.

AKTO PROPOSE UN ACCOMPAGNEMENT À LA CARTE

En Nouvelle-Aquitaine, AKTO-réseau Opcalia propose à ses adhérents prestataires de formation de moins de 250 salariés un accompagnement “à la carte”, cofinancé par la Direccte, pour réinterroger leurs pratiques “afin de mieux appréhender les effets de la réforme de 2018 et la reprise économique post-confinement”. Il s’agit d’aborder avec ces organismes, autant la révision de leur modèle économique, de leur offre et de leur organisation que l’évolution des compétences de leurs collaborateurs. Que ce soit via un diagnostic à 360°, des prestations conseils plus ciblées (sur la stratégie, l’innovation pédagogique, la digitalisation et le développement de l’alternance) ou des formations. Cette proposition s’inscrit dans le cadre de l’Adec dédié aux organismes de formation.